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Le consommateur peut-il sauver l'industrie française ?

On observe depuis plus de 40 ans une chute de l’industrie française, dans tous les secteurs ou presque. Les chiffres de l'emploi marquent bien ce déclin vertigineux : dans les années 70, l'industrie comportait 5,7 millions d'emplois contre 3 millions aujourd’hui.

Les années 80 ont particulièrement connu la fuite de nos industries. Nos usines ont été attirées par les pays à faibles salaires comme la Chine ou les pays d'Europe du Sud. La détérioration générale de la compétitivité française ou encore une mauvaise spécialisation dans le milieu de gamme ont ajouté du plomb dans l’aile à l’industrie française.

Textile, inox, produits du quotidien… on estime que sur 100€ d’achats d’un Français, 14€ seraient importés (et jusque 40€ dans le textile).

Mais s’il y a bien une chose positive à tirer de cette crise covid, c’est la prise de conscience grandissante des Français sur l’urgence de soutenir des industries moins polluantes, plus vertueuses, plus locales.

Mais alors que les Français se disent prêt à payer plus cher pour consommer local, on constate encore des freins : manque de confiance dans les labels made in France, manque d’offre, prix jugés trop élevés, perte des savoir-faire... Le consommateur peut-il encore réellement sauver l'industrie française ?

C'est ce à quoi ont tenté de répondre nos invités :

  • Christophe Esnault, directeur général de JK Papier,
  • Charles Béchu, dirigeant de Lilokawa
  • Pierre Tucoulat, fondateur de Zeste

Sommaire : 

1. A quels problèmes font face nos artisans et fabricants français ?

2. Comment expliquer ces difficultés d'approvisionnement ? 

3. D’où vient la concurrence ?

4. Focus sur l'industrie textile, un secteur qui a subi de nombreuses délocalisations

5. Est-ce vraiment plus cher de faire du made in France que du made in Asia ?

6. Conclusion : comment agir en tant que consommateur pour sauvegarder ces industries françaises ?

 

1. A quels problèmes font face nos artisans et fabricants français ?

Le principal problème auquel sont confrontées nos invités est avant tout la difficulté de s'approvisionner localement.

Il est par exemple devenu très diffcile pour les imprimeurs français de trouver du papier fabriqué en France qui corresponde à la fois à la demande et aux spécificités des machines, explique Christophe Esnault, directeur général de JK Papier. Parmi les 20 premiers papetiers mondiaux, 5 seulement sont en Europe, 4 dans les pays nordiques et un en Italie. 

Pour d'autres produits comme les gourdes en inox, même constat : il est impossible de trouver des fournisseurs de gourdes en inox made in France car il est quasi impossible de trouver... de l'inox fabriqué en France !

Zeste, la seule entreprise en Europe qui fabrique et commercialise des bouteilles réutilisables made in France en inox, a donc du investir lourdement pour pouvoir produire ses gourdes en France, nous explique son fondateur Pierre Tucoulat. 

Gourde Zeste en inox made in France

La gourde Zeste en inox made in France

Et les coûts sont colossaux : les moules industriels permettant de produire une « simple » gourde coûtent au minimum 100 000€ !

2. Comment expliquer ces difficultés d'approvisionnement ? 

Pour le papier, cette difficulté à s'approvisionner s’explique un phénomène contradictoire : alors que l'exigence pour du papier certifié a - heureusement - augmenté, les industriels français n'ont pas été accompagnés financièrement vers cette transition. 

FSC       PEFC

Bois certifiés FSC et PEFC

Les industries européennes qui ont réalisé ces investissements sont aujourd’hui très propres mais... peu nombreuses ! 

Sur l'industrie de l'inox, Pierre Tucoulat fait le même constat : l’Europe n’a historiquement jamais investi dans les machines capables de transformer l’inox par hydroformage. Les Chinois ont, eux, investi depuis longtemps dans ce type de machines et sont aujourd’hui leaders dans ce domaine. 

60% de l’inox mondial est aujourd'hui fourni par la Chine qui le fabrique ou l’importe. La production en France ne serait pas impossible puisque quelques entreprises produisent cet alliage en Europe, mais les freins sont là encore liés aux investissements nécessaires à cette fabrication, et au parc machine quasi inexistant.

3. D’où vient la concurrence ?

Sur le marché du papier, il y a 2 types de produits :

  • Les produits dits « à façon » comme les livres « pop-up » pour enfants avec beaucoup de découpe et de façonnage. Plus de 50% du coût de revient d’un livre de ce type est lié à la main d’œuvre. Et qui dit main d'oeuvre conséquente dit très souvent délocalisations. Pour ce type de produits, la concurrence est principalement asiatique. Les livres made in France de nos grands mères ont peu à peu laissé place à des ouvrages fabriqués en Chine.
  • Sur des produits qui ne sont pas « à façon », on a encore des spécialistes en France, qui investissent continuellement pour rester compétitifs. Mais la concurrence est alors principalement européenne. Certaines usines espagnoles, italiennes et polonaises ayant réussi à bénéficier de fonds européens pour investir et devenir très compétitives. 

 livre

 

4. Focus sur l'industrie textile, un secteur qui a subi de nombreuses délocalisations

Charles Béchu, dirigeant de Lilokawa, concepteur et fabricant d’accessoires et de petit mobilier à partir de matières recyclées depuis 2013, évoque ensuite le sort de l'industrie textile, qui a elle aussi connu un fort déclin. En 20 ans, elle a perdu 2/3 de ses effectifs et la moitié de sa production.

Aujourd'hui, entre 60 000 et 100 000 personnes travaillent encore dans le textile en France, mais cette production concerne essentiellement le luxe avec la maroquinerie, les textiles techniques (automobile, aéronautique) et des produits à base de nouvelles fibres recyclées ou bio sourcées.  

Mais pourquoi cette délocalisation massive ? Comme les autres activités, c’est la rentabilité qui prime avant tout : les consommateurs veulent toujours plus et toujours moins cher. "Les organisations ont donc été contraintes de revoir leur modèle pour répondre à cette demande de produits à bas prix : c’est la tristement célèbre fast fashion !" déplore Charles.

Heureusement les choses changent, et le made in France reprend du galon : il y a une vraie place pour le made in France dans le textile et certains acteurs réussissent très bien leur relocalisation. Néanmoins, de nombreux consommateurs ne sont et ne seront jamais prêts à payer plus cher pour une fabrication locale.

tissage     machine a coudre

5. Est-ce vraiment plus cher de faire du made in France que du made in Asia ?

L'un des principaux points de blocage évoqué à l'achat de produits made in France est bien souvent le prix.  

Par exemple, le coût de revient industriel d'une gourde en inox fabriquée en France est entre 4 et 6 fois supérieur à celui d'une gourde fabriquée en Chine : c’est le travail manuel sur une bouteille qui augmente son prix. En Chine les process sont automatisés et les coûts de main d’œuvre sont beaucoup moins élevés.

Pour l’imprimerie, le parc machines en France est très moderne et permet d’être compétitif sur les produits standardisés. Mais c’est plus difficile dès qu’il y a beaucoup de main d’œuvre, comme pour les produits "à façon" mentionnés plus haut.

La solution pour rester compétitif ? Assumer ce coût pour proposer un produit accessible : 

  • en baissant sa marge en tant que fabricant par rapport à la concurrence en ne répercutant pas tout le prix de revient sur le prix de vente,
  • en jouant sur les volumes pour faire baisser le coût de revient industriel unitaire des produits. 

L’upcycling pourrait apparaître comme la solution idéale pour proposer des produits made in France moins chers, mais contrairement à ce que l’on peut penser ce n’est pas forcément le cas et d’autres freins subsistent :

  • La méconnaissance de cette activité : l'upcycling est encore peu connu en France par les entreprises et les particuliers,
  • l’image : cette technique est perçue à tord comme moins esthétique, moins solide, moins qualitative,
  • les habitudes des consommateurs : c’est toujours plus facile de commander la même chose que de redonner ses produits pour en fabriquer de nouveaux,
  • et bien sûr le prix : produire à partir de matières recyclées demande plus de travail et au final coute plus cher que fabriquer à partir de matières neuves : c’est un réel paradoxe que les clients ne comprennent pas toujours car ils ne voient que le coût des matières premières et non du travail effectué.

bache publicitaire   toile de jute

Lilokawa utilise des bâches publicitaires ou de la toile de jute dans ses produits upcyclés

Christophe Esnault nous rappelle néanmoins que la France a de vrais points forts par rapport à ses concurrents asiatiques : l’innovation, le service, la capacité à faire de la personnalisation très poussée, ou encore une production éco-responsable. La concurrence va en revanche être très forte sur les produits catalogues.

6. Alors comment agir en tant que consommateur pour sauvegarder ces industries françaises ?

En conclusion, nous nous sommes interrogés sur notre pouvoir d’action en tant que consommateur : que pouvons-nous faire, à notre échelle, pour tenter de sauver l’industrie française ?

  • exiger toujours plus de transparence auprès des marques pour que celles-ci expliquent plus et mieux où et comment sont faits leurs produits,
  • chercher moins de produits standardisés, accepter de passer plus de temps et changer son rapport au produit (en BtoB surtout),
  • favoriser les acteurs locaux et les circuits courts,
  • trouver des entreprises qui mettent les entreprises françaises en avant, comme le fait Dream Act (oui oui on est fièr(e)s 🎉).

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