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Made in Asia : est-ce si grave ?

Ouvriers mal payés, ouvriers non syndiqués, ouvriers en mauvaise santé, impact carbone des transport, pollution des eaux, travail forcé… les risques et les dérives d’une production intensive à l’autre bout de la planète sont nombreux. La transparence est d’autant plus compliquée que le nombre d’intermédiaires est élevé et que la production est lointaine.

Et dans le même temps, nous invitions ici en France, il y a 3 ans, une ouvrière textile bangladaise, atelier textile du monde, qui exposait au travers du film dont elle était l’héroÏne principale, Made in Bangladesh, son combat pour être syndiquée et obtenir de meilleures conditions de travail. Daliya Akter concluait son récit ainsi : « s’il-vous-plaît, vous européens, exigez de la transparence et le respect des êtres humains et de la planète sur toute la chaîne de production, mais ne boycottez surtout pas le made in Bangladesh. Sinon c’est 60 millions de travailleurs asiatiques qui se retrouveront sans emploi, juste pour le textile. »

Alors chez Dream Act notre position est claire : nous privilégions la production locale mais nous ne proposons ni boycott et ni idées raccourcies. Le made in China, Bengladesh, India peuvent faire partie du paysage de la consommation responsable, mais dans certaines conditions.

Pour tenter d’y voir plus clair, nous organisions le 1er Avril 2021 notre dernière conférence « Le Vrai du Faux de la Conso » afin de questionner l’importation asiatique.

« Made in Asia est-ce si grave ? » C’est ce à quoi ont tenté de répondre nos experts :

Sommaire : 

  1. Quels sont les risques identifiés d’une fabrication en Asie ?
  2. Peut-on réellement contourner cette opacité et obtenir de la transparence ?
  3. Que doivent exiger les entreprises donneuses d’ordre ?
  4. Produire en France ou en Europe est-il gage de respect des travailleurs et de l'environnement ?
  5. Le rôle clé du consommateur français
  6. En conclusion : non au boycott du made in Asia, mais oui à une exigence croissante de la part du consommateur français pour aller vers plus de transparence !

1. Quels sont les risques identifiés d’une fabrication en Asie ?

Pour Clémence Calzaroni et Claire de Hauteclocque de Greenflex, pas de doute : le premier risque inhérent aux produits made in Asia est l’opacité de la chaîne d’approvisionnement. L’absence d’informations à jour et de données précises est un problème majeur. Alors pour accompagner ses clients, Greenflex fait le choix de ne pas se fier uniquement aux sources institutionnelles mais aussi de prendre en compte la perception de la société civile. Beaucoup d’informations viennent donc de la presse, de documentaires ou encore de rapports d’ONG.

Quelques clés de compréhension des différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement :

  • 1ère étape : l’extraction de matières premières, la production des composants.

Très opaque, cette étape relève souvent d’une organisation très informelle : il est difficile de remonter jusque-là et donc d’identifier les risques sociaux et environnementaux. Travail des enfants dans les exploitations agricoles de coton, travail forcé des Ouïghours pour la récolte, le tissage et le filage, manque de sécurité des travailleurs dans les mines artisanales… les risques sont souvent identifiés tardivement, grâce à la société civile.

  • 2ème étape : la fabrication.

Les risques ici sont ceux relatifs aux conditions de travail dans les usines : cadences élevées, travail debout, interdiction de parler ou de prendre des pauses, pratique de salaires très faibles incitant à faire beaucoup d’heures supplémentaires, discrimination et harcèlement sur les ouvrières…

Clémence et Claire nous partagent la situation dramatique des travailleurs migrants en Malaisie dans le secteur de l’IT, qui s’endettent avant même leur arrivée auprès de leur agence de recrutement pour obtenir un passeport. Une fois embauchés, ils se retrouvent dans l’incapacité d’éponger cette dette et doivent fuir, souvent sans leur passeport qui leur a été « confisqué ».

Mais il existe également de nombreux risques environnementaux et sanitaires lors de cette étape.

2. Peut-ont réellement contourner cette opacité et obtenir de la transparence ?

Chez Toptex, leadeur du textile publicitaire en Europe, 70% de leurs produits viennent du Bangladesh, où l’entreprise possède son propre bureau de contrôleurs qualité qui se rendent en permanence dans les usines.

Cependant, Laurent Marceau, directeur général de Toptex, souligne que l’entreprise achète un produit fini aux usines avec lesquelles elle travaille, et ne contrôle donc pas l’approvisionnement réalisé par ces dernières. Le coton vient d’Inde, on n’en sait guerre davantage malheureusement. Les usines sélectionnées adhèrent toutes à des organisations internationales (BSCI, SEDEX…) qui encadrent les conditions de travail, les salaires, la santé, la sécurité et l’impact environnemental. En 20 ans, Laurent constate que les conditions dans ces usines au Bangladesh ont beaucoup évolué, notamment suite au drame du Rana Plaza ayant causé la mort de 1135 ouvrier.e.s en 2013.

Effondrement du Rana Plaza en 2013

Effondrement du Rana Plaza en 2013 

Pour la production en Chine, Toptex fait la plupart du temps appel à des inspecteurs indépendants, du Bureau Veritas ou de SGS, pour contrôler la qualité. Pour s’assurer que le coton utilisé dans ces usines ne participe pas au travail forcé des Ouïghours, le groupe a demandé à tous ses fournisseurs chinois de s’engager par écrit sur la non-utilisation de coton provenant de la province du Xinjiang.

Michael Sztanke, journaliste et réalisateur du film "Asie, le réveil ouvrier" déplore ensuite la façon dont les contrôles et les vérifications sont effectués à date : il n’y a quasiment jamais de visites impromptues, tout est donc toujours plutôt en règle lors des visites… forcément !

Il nous relate alors une anecdote concernant l’entreprise Gap : en voyant les images tournées par Michael dans leurs usines de sous-traitants au Cambodge, l’entreprise s’étonnait des conditions de travail et assurait avoir pourtant fait les contrôles nécessaires chez l’ensemble de ses fournisseurs.

Par mauvaise foi ou complexité, il est donc compliqué d’obtenir, dans certains pays, une transparence totale de l’extraction des matières aux produits finaux, mais il faut continuer à l’exiger !

3. Que doivent exiger les entreprises donneuses d’ordre ?

Claire, consultante senior entreprises et droits de l'Homme chez Greenflex, rappelle que seules les plus grandes entreprises sont soumises à l’obligation légale de respect des droits humains et environnementaux sur l’ensemble de la chaîne de production.

Pour éviter que les différents intervenants ne se "repassent la balle de la responsabilité", il est primordial de nouer des relations plus étroites avec ses fournisseurs, et de les accompagner plutôt que d’être dans une relation de contrôle/sanction. L’objectif est de s’inscrire dans une logique d’amélioration continue, en les sensibilisant sur l’importance des risques pouvant impacter leurs activités et sur les solutions qui existent pour y remédier. Heureusement, de plus en plus d’initiatives sectorielles se mettent en place, les entreprises s’unissent, des accords-cadres internationaux se créent et des acteurs sociétaux, de terrain peuvent apporter leur expertise pour petit à petit faire changer les pratiques et apporter plus de transparence.

4. Produire en France ou en Europe est-il gage de respect des travailleurs et de l’environnement ?

Eric Boel, des Tissages de Charlieu est formel ! Si le risque social 0 n’existe pas, les standards environnementaux et sociaux en France sont élevés et exigeants. La conséquence en est d’ailleurs malheureusement la délocalisation en premier lieu de l’industrie textile et donc une perte de compétitivité.

Il nous partage une conviction très forte des Tissages de Charlieu pour ne pas « céder » à cette délocalisation intense : aujourd’hui on est capable de produire ce que l’on consomme ! Même si une relocalisation intégrale n’est pas forcément souhaitable – chaque pays doit pouvoir vivre dignement de son travail – il faut à minima retrouver notre autonomie de production.

D’un point de vue environnemental, une étude de Cycleco datant de Janvier 2021 sur l’empreinte carbone de la filière textile en France révèle que 95% du textile consommé en France est importé, et même 97.5% pour l’habillement. Or, produire localement en favorisant le circuit court, ou des matières recyclées peut permettre de diviser par 9 ou 10 l’impact carbone d’un produit. C’est ce que parviennent à faire les Tissages de Charlieu notamment avec leurs sacs et tote bags en coton recyclé.

Indispensac

Tote bag en tissu recyclé made in France - Les Tissages de Charlieu

Narayanan Ponnambalam, fondateur de l’entreprise Feel Inde, revient sur son processus de fabrication : il achète un coton tissé GOTS provenant du sud de l’Inde, puis confectionne dans ses propres ateliers familiaux du Tamil Nadu. Les totebags arrivent en Ile-de-France déjà confectionnés et sont stockés et marqués dans leur atelier du Blanc-Mesnil. Le savoir-faire est maîtrisé mais Narayanan souhaite aller plus loin afin de baisser leur impact carbone. L’entreprise a décidé cette année de créer un atelier de 10 personnes pour confectionner des sacs en France, avec un tissu local. 

5. Le rôle clé du consommateur français

Alors que les français se disent prêt à payer plus cher pour un produit made in France, il demeure une barrière forte au passage à l’action : le prix. Un t-shirt made in France est en moyenne 10 fois plus cher à sa sortie d’usine qu’un produit made in Asia. Le cœur du problème est là, en BtoB comme en BtoC.

Relocaliser une partie de la production en France est donc un effort louable de la part de nos invités, qui ne pourra porter ses fruits que si la demande est au rendez-vous.

Toptex a créé début 2020 un t-shirt made in France (seul le coton est importé) et a été confronté à 2 problèmes : la difficulté de trouver des couturières pour son atelier et le rythme de production qui est bien sûr moindre que ce que peuvent proposer des pays d’Asie. Par conséquent, il y a un impact sur le prix de vente. Laurent déplore que même si la demande est là, le consommateur n’est pas encore tout à fait prêt à payer ce prix pour du textile made in France.

Laurent Marceau conclue en soulignant que la condition sin equanon à une offre made in France rentable, c’est-à-dire qui rencontre la demande, et à un prix acceptable est la réorganisation profonde de la filière textile française : revalorisation de l’activité et robotisation de la production. L’automatisation permettra de baisser les prix, même en circuit court.

t shirt made in francet-shirt femme made in france

t-shirts 100% coton bio Made in France 

6. En conclusion : non au boycott du made in Asia, mais oui à une exigence croissante de la part du consommateur français pour aller vers plus de transparence !

Cette conférence s’est conclue sur l’importance du rôle du consommateur français. En effet son rôle est clé. Il doit continuer de s’informer, d’être exigeant et de demander toujours plus de transparence pour comprendre ce qu’il achète : c’est sa responsabilité directe en tant que consommateur.

S’informer à la fois pour comprendre ce qui rend un produit made in Asia si peu cher, et quel est le coût humain et environnemental de ces textiles à bas prix. Il faut se réhabituer au prix juste et accepter qu’un vêtement produit localement avec des matières écologiques ou recyclées coûte plus cher.

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