Le 12 mars se tenait notre première conférence « Le Vrai du Faux de la Conso » sur le thème "Bioplastiques : mythe ou réalité écologique ?"
Vous avez été plus de 80 à entendre et poser vos questions à nos experts présents :
- Christophe Doukhi - de Boissoudy, président du Club Bioplastiques et Directeur Général de Novamont, leader du secteur des bioplastiques.
- Diane Beaumenay-Joannet, chargée de plaidoyer et de campagne sur les déchets aquatiques chez Surfrider Foundation Europe.
- Rodolphe Jaquet, président-fondateur de CitizenGreen, fournisseur d’objets publicitaires éco-responsables et Cécile Jouet, responsable achat et RSE.
- Frédéric Willemart, Directeur-Général de Terravox, organisme de lutte contre les déchets.
Voici ce qu’il faut retenir :
Qu'est-ce qu'un vrai bioplastique ?
Un véritable bioplastique est un plastique biosourcé, c’est-à-dire issu d’une matière végétale ET 100% biodégradable ou compostable.
En effet, l’intérêt du bioplastique est à la fois de limiter l’usage des ressources fossiles (pétrole) ET de penser à la fin de vie de la matière.
Un plastique biosourcé, mais non-biodégradable, est un plastique composite ou fragmentaire : il contient des éléments végétaux ET des éléments fossiles. On le retrouve, pourtant encore, désigné à tort par le terme « bioplastique ».
Le problème ? Ce type de plastique" semi-végétal" se fragmente en minuscules morceaux, qu’il est encore plus difficile de récolter une fois dans la nature : c’est donc une pollution directe pire que celle du PET, selon Christophe Doukhi.
Source : Club des Bioplastiques
Un bioplastique peut avoir les mêmes propriétés qu’un plastique « fossile »
Il est en effet possible de réaliser les mêmes chaînes de polymères avec le carbone végétal, même si cela est plus simple avec le carbone fossile (pétrole).
Le bioplastique au sens strict doit pouvoir se dégrader selon son lieu de fin de vie :
- Un bioplastique dégradable en compostage industriel : doit se dégrader en moins de 6 mois, grâce à des micro-organismes capables de digérer la matière à de très hautes températures.
- Un bioplastique dégradable en compost domestique : doit se dégrader à 90 % au bout d’1 an - à condition de ne pas saturer le compost de bioplastique.
- Un bioplastique dégradable dans la nature, au sol : doit se dégrader en en 2 ans.
A noter qu'une norme sur la biodégradabilité marine est en cours de travail.
Ces conditions et durées sont définies par les normes Européennes. Il est indispensables d'inscrire sur chaque produit en bioplastique la manière dont il doit être dégradé, afin que sa fin de vie soit réellement écologique. Malheureusement, peu de produits aujourd'hui mentionnent ces conditions nécessaires à une bonne utilisation du biolastique.
Le bioplastique est recommandé pour les contenants et emballages alimentaires :
Si le bioplastique est fabriqué pour un usage alimentaire, il est soumis aux mêmes normes que les autres matières dédiées au contact alimentaire. De plus, parce qu'il est voué à finir dans le compost, avec les aliments, il est indispensable qu’il puisse être en contact avec la nourriture. Il est alors une bonne alternative pour les packagings et emballages alimentaires qui représente la 1ère source de plastique utilisée au monde, mais également pour du packaging alimentaire à emporter : gobelet, barquette...
La production de bioplastique ne règle pas le problème du « jetable » et de l’usage unique
La production d’un objet, quelqu’il soit, a un impact : consommation d’eau, ressources naturelles, transport… L’idée n’est pas de remplacer un produit jetable par un autre, mais d’abord d’essayer de lui trouver une alternative durable.
Le bioplastique n'est pas fait pour remplacer tous les plastiques : cela doit faire sens. Faire de l’usage unique en bioplastique n’a pas toujours de sens, puisque l’usage unique tout court est un problème. Les bioplastiques n’ont pas vocation à remplacer des produits qui, par définition, devraient être arrêtés
L’impact agricole : les ressources du bioplastique (ex PLA) prennent-elles la place des cultures alimentaires ?
Il faut savoir qu’en-dehors du bioplastique, l’usage de l’amidon par exemple, dans un cadre non alimentaire est très répandu. Le papier, notamment, est le matériau en consommant le plus !
Le bioplastique ne concerne aujourd’hui que 0,02% des surfaces agricoles utilisées (SAU).Si nous remplaçions un jour l’ensemble du plastique par du bioplastiquecela ne représenterait que 2% des SAU.
Un plastique biosourcé fragmentaire est un premier pas vers la réduction du PET et des déchets :
Si le plastique biosourcé fragmentaire présente l’inconvénient d’utiliser du carbone fossile et de ne pas se dégrader dans la nature, il est cependant utilisable pour des objets durables qui n’ont pas vocation à être jetés. Cela permet de réduire, au moins, la charge de PET utilisée. C’est la démarche qu’a choisi pour le moment Citizen Green : ajouter 30 à 40 % de matière végétale, des déchets agricoles, à du propylène (=plastique).
L’écoresponsabilité des produits est réalisée sur la fabrication limitant le plastique, mais pas sur sa fin de vie. L’éco-conception passe par la volonté de proposer des produits de qualité à la durée de vie longue et au design durable.
Comment choisir un produit conçu en matière bioplastique :
- Vérifier les pictogrammes / logos « home compost » vs « compost industriel », ainsi que le pourcentage de matière bio-sourcée.
- Exiger les certifications (qui implique un contrôle en laboratoire, à contrario de la norme qui relève du déclaratif).
- Mettre tout cela en perspective de l’usage réel. Ce n’est pas tant la matière seule qui importe, mais plutôt le produit et son utilisation : en ais-je réellement besoin ? Le produit est-il durable ? Si je n’ai pas le choix que de prendre du jetable, puis-je le recycler, le réparer, le donner ? Puis-je le composter ?
Le point sur les labels
Le bioplastique dégradable en compost industriel à 90 % en 6 mois selon la norme Européenne EN13432 est reconnaissable grâce au logo "OK compost" ou par les labels "Seedling" et "DIN-Geprüft Industrial Compostable" :
Les produits en bioplastique compostable domestiquement sont, eux, reconnaissables par le logo "OK Compost HOME" :
Enfin, le label "OK Biobased" certifie la teneur en carbone biosourcé des matériaux et produits en bioplastique. Cette certification s'appuie sur la méthode C14 qui mesure de la teneur en carbone d'origine biologique comme un pourcentage de la carbone total contenu dans le produit ou le matériau. Cette méthode est décrite par les normes internationales CEN / TS 16137 et ASTM 6866 .
Quelle matière choisir pour une éco-cup ?
Effectuer le « bon choix » implique de définir des KPI : s’agit-il d’optimiser l'impact carbone, le cycle de vie, la durabilité ? En effet, choisir par exemple des gobelets en verre, c’est choisir une matière recyclable à vie, mais qui a un impact carbone bien plus lourd que le bioplastique.
L'analyse de cycle de vie est très complexe (et chère) à effectuer. D’une part, elle concerne le plus souvent un objet précis, non une matière. D’autre part, cela nécessite de regarder l'impact de la production, la transformation, l’utilisation… tout cela, à un instant T : on ne prend par exemple pas compte l’amélioration de dégradabilité à venir des produits dans la nature.
Gestion des déchets et recyclage
Il ne faut pas jeter le bioplastique
Il est très important de composer le bioplastique : cette matière n’a aucun intérêt si elle est jetée, car elle sera incinérée ou enfouie. Si elle est incinérée, elle dégagera du CO2, si elle est enfouie, elle dégagera du méthane par manque d’oxygène. Attention : ce n’est pas propre au bioplastique, c’est le cas de tous les déchets.
Par exemple, en tant qu’entreprise vous pouvez des Eco-cups en contre en bioplastique compostable industriellement : allez jusqu’au bout de la démarche sur son cycle de vie.
Le point sur la gestion des déchets en France :
Diane Beaumenay-Joannet rappelle « Il est aberrant que l’on continue d’enterrer nos déchets en France et en Europe quand on en connait l’impact : la toxicité pour l’environnement ET pour la santé des êtres humains. »
La loi Economie circulaire a l’ambition de réduire l’enfouissement et l’incinération sous 10 ans et de développer la réduction des déchets et les biodéchets, car aujourd’hui, la gestion des déchets en France est répartie ainsi :
- 30% sont enfouis
- 50% sont incinérés
- 20% sont recyclés seulement.
En France, 90% des déchets français sont traités sur le territoire. Les images des cargos en Asie sont choquantes, mais correspondent à une réalité très minoritaire. Elles dénoncent en revanche un nouveau problème : la mondialisation des déchets. Cela devient une matière secondaire qui entre dans le commerce international, avec des variations de prix.
Le problème en France, c'est que le volume de déchets ne cesse de croître, et qu’il subsiste de grandes disparités selon les régions. Par exemple à Paris, 10% seulement des déchets vont être collectés dans le bac jaune : les 90% restant sont considérés comme ordures ménagères et finissent incinérés. Christophe Doukhi renchérit « 30 à 35% de nos déchets organiques de nos poubelles ne retournent pas au sol. Ce pour quoi la terre perd de sa fertilité ».
Le point sur le recyclage en France
20% seulement de nos déchets sont recyclés : cela signifie qu'1 bouteille sur 10 seulement pourra être recyclée, ce jusqu’à 4 fois. L’Italie, l’Autriche, l'Allemagne et l'Angleterre sont de meilleurs exemples que la France dans le recyclage !
Le problème du recyclage et du recyclé, c’est qu’aujourd’hui, "le recyclage est plus cher que le produit en lui-même (collecte, tri, …) " explique Frédéric Willemart. "Pour recycler, il faut qu’il y ait minimum 70 millions de tonnes de collectes d’un matériau donné. Sinon, ce n’est pas rentable" renchérit Christophe Doukhi.
Le mot recyclage n’est d’ailleurs pas toujours exact, il faudrait parler de sous-cyclage quand la matière recyclée servira à la création d’un autre produit que l’initial car on assiste à une dégradation des propriétés de la matière. Par exemple, une éco-cup recyclée ne donnera pas une nouvelle éco-cup mais certainement une polaire.
Conclusion :
- Le bioplastique n’est ni une solution ultime, ni un ennemi : le problème de fond reste la façon dont nous consommons au global. « Ce n’est pas parce qu’on interdit un produit qu’on change les modes de consommation. Lorsqu’on interdit un produit, il faut regarder l’impact que cela aura sur les alternatives consommées. » explique Citizen Green à propos des sacs plastiques jetable.
- C’est la question des usages qui doit primer : ça ne sert à rien de remplacer du plastique par du bioplastique sans changement de consommation plus général, concernant le plastique il s’agit donc de réduire drastiquement la consommation ed produits jetables et à usage unique.
- Frédéric Willemart met en garde concernant le sac en bioplastique biodégradable « Aujourd’hui il n’y a pas de filière de traitement du sac biodégradable. C’est encore récupéré pour être jeté. » Un propos nuancé par Christophe Doukhi «On dénombre 4 à 6 millions de particuliers qui font du compost via le réseau Compost +» D’après lui, le produit intéressant en bioplastique est celui qui a une logique à finir avec des déchets organiques. A horizon 2023, puisque c’est la direction Européenne reprise par la loi française, il y aura enfin une obligation de trier ses déchets organiques.
Le conseil de Citizen aux entreprises : «Arrêtez de choisir en fonction du prix moins cher, ce n’est pas la voie de l’écoresponsabilité. Arrêtez les objets publicitaires à usage unique : choisissez des produits durables, et faites attention aussi aux normes sociales. »
Le conseil de Novamont aux entreprises : «Vérifiez les possibilités de recyclage d’un produit : s’il a a une vraie filière de recyclage, le choisir. S’il est difficile à recycler, optez pour du biodégradable »
Le conseil de Surfrider aux citoyens et aux entreprises : « Avant de consommer, se poser la question du besoin, de l’utilisation et de la fin de vie. »
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